
Des diagnostics aux sanctions : comment les données techniques aident à traquer l’habitat indigne
Le 5 juin 2025, le gouvernement a annoncé un tournant dans la lutte contre l’habitat indigne en France. À travers la création d’une task force interministérielle, l’État vise à coordonner plus efficacement les actions des préfectures, collectivités locales, services fiscaux, justice et forces de l’ordre. Objectif : identifier plus vite les logements insalubres… et sanctionner les marchands de sommeil. Dans ce combat, un outil souvent négligé joue désormais un rôle central : le diagnostic immobilier, qui, au-delà de son usage classique dans les ventes ou les locations, devient un levier d’enquête, de preuve et d’intervention.
Des données techniques au service de l’action publique
Chaque logement loué doit être accompagné d’un Dossier de Diagnostic Technique (DDT). Celui-ci comprend notamment :
- un DPE (étiquette F ou G),
- un diagnostic électricité ou gaz (en cas d’installation de plus de 15 ans),
- un CREP (plomb) pour les biens construits avant 1949.
Ces documents, s’ils sont absents, falsifiés ou ignorés, permettent de détecter des infractions. Et s’ils sont réalisés correctement, ils peuvent documenter l’état de dégradation, voire déclencher un signalement auprès des services de l’État ou des collectivités. À Marseille, Lille ou Saint-Denis, certains DPE classés G accompagnés de diagnostics électricité « dangereux » ont suffi à faire interdire une location et ouvrir une enquête fiscale ou judiciaire contre des bailleurs en situation de récidive.
Vers une exploitation centralisée des diagnostics ?
La nouvelle task force annoncée par le ministère vise aussi à mieux centraliser les données existantes, notamment les DPE. Le projet de croisement des fichiers DPE, cadastre et déclarations fiscales est en cours d’étude dans plusieurs préfectures. Cela permettrait d’identifier automatiquement les logements à haut risque : surface réduite, absence de rénovation, propriétaires multi-détenteurs, localisation dans des périmètres connus pour l’insalubrité…
Le diagnostiqueur, un acteur à part entière de la chaîne de contrôle
Dans ce contexte, les diagnostiqueurs immobiliers ne sont plus seulement prestataires techniques, mais maillons de la chaîne de vigilance. Leur rôle est d’établir des constats exploitables, factuels, opposables — et parfois transmis, avec l’accord des autorités, aux services de la ville, aux bailleurs sociaux, voire à la justice. Le durcissement des sanctions contre l’habitat indigne ne repose pas uniquement sur la répression. Il commence en amont, par la traçabilité technique du bâti, rendue possible grâce à des diagnostics précis, certifiés et exploités intelligemment. En les intégrant pleinement à la stratégie nationale, l’État donne une nouvelle portée à ces documents trop souvent relégués à la simple formalité.